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.Il y a longtemps que les autres ont terminé leur repas et qu’Amo lui a fait boire sa tisane lorsqu’il fait signe à Népeshi de s’approcher.Il demande :— Est-ce qu’il y a beaucoup de neige ?Népeshi montre avec sa main étendue une hauteur d’à peu près six pieds.— Il gèle depuis combien de jours ?Népeshi montre sept doigts.Mestakoshi fait une petite grimace :— Crois-tu qu’on puisse encore creuser ?Népeshi hésite.Il a un regard furtif vers les autres, puis, revenant au vieux chef, il pose sa main courte sur son épaule.Lentement, mais sans émotion apparente, il dit :— Nous l’avons déjà fait, chef Mestakoshi.Le visage du moribond se détend.On dirait presque qu’il sourit.Ce soir, les autres ne se couchent pas.Les femmes font du thé et rechargent le feu.Un moment passe avec le seul pétillement de l’épinette qui pleure sa résine.Dans un murmure, Mestakoshi demande :— Népeshi, tu m’entends ?— Je t’entends.— Te souviens-tu de l’hiver où nous sommes allés avec ton père et le mien trapper plus loin que la Caniapiscau ?— Je m’en souviens.— Raconte-moi.Népeshi s’assied tout près de lui et commence :— J’avais dix ans, toi, tu étais déjà un homme.On est parti avec les chiens.On en avait sept…Son récit s’en va tout doucement.Longtemps.Longtemps.Il y a l’hiver, la neige et les loups.Népeshi raconte sans quitter des yeux son ami.Quand il se tait au bout de son récit, le souffle du vieux chef a fini de faire vibrer sa lèvre.ÉPILOGUEAu printemps qui a suivi la mort du chef Mestakoshi, la direction générale de la Faune du Québec a publié un long rapport sur la noyade des caribous dans la rivière Caniapiscau.Cette étude menée par des spécialistes, dont ni la compétence ni l’honnêteté ne sauraient être mises en doute, conclut que, dans le passé, on n’avait jamais observé, au cours de la migration des caribous, une noyade dépassant cinq cents têtes par année.Les auteurs du rapport ajoutent cependant :« L’ampleur des pertes observées à la rivière Caniapiscau, à l’automne 1984, est attribuable à la concomitance de trois situations : le choix par les caribous d’une traverse potentiellement dangereuse, l’importance, voire le caractère exceptionnel de la crue des eaux de la fin septembre et une densité très élevée de caribous au moment de la traversée de la rivière.»Après avoir observé que cette noyade de caribous représente moins de deux pour cent de l’effectif et ne menace pas la survie du troupeau, les experts précisent :« L’analyse des événements, de la configuration de la rivière au site de l’accident et des données pluviométriques et hydrologiques, permet d’établir que, dans des conditions naturelles, c’est-à -dire en l’absence du réservoir Caniapiscau, le débit de la rivière aurait été supérieur à celui mesuré au moment de l’événement.On peut donc en conclure que le nombre de caribous noyés, dans ces conditions, aurait été au moins de même importance et que la responsabilité de l’événement n’est pas imputable à la présence du réservoir.»À peu près à la même époque, un rapport encore beaucoup plus volumineux était publié par la Société d’énergie de la baie James et la direction de l’Environnement.Il concerne le comportement des castors qui constituent l’une des ressources naturelles les plus importantes pour les Indiens trappeurs.Des années d’observation ont permis aux savants de conclure que, si de jeunes castors ont été noyés au moment de la mise en eau des barrages, la majeure partie de la population a su s’adapter.Contrairement à ce que tous les spécialistes redoutaient, les huttes de ces constructeurs n’ont pas été perdues.Les castors les ont, si l’on peut dire, élevées d’autant d’étages qu’il était nécessaire pour qu’elles continuent de dominer les eaux.D’autres rapports parlent du mercure qui empoisonne les lacs, les poissons et ceux qui en consomment.Obligés de changer leur mode d’alimentation, les Indiens deviennent des clients de plus en plus fidèles des Magasins.La route d’hiver qui permit d’amener une grande partie des matériaux à pied d’œuvre pour la construction des barrages est devenue une route permanente avec des ponts qui ne sont plus de glace et que n’emporte plus le dégel.Les villages construits pour loger les cadres et les ouvriers durant l’édification des barrages ont été démontés.Les maisons sont parties sur d’autres chantiers.Partout où des terres nues portaient la trace des travaux, de jeunes aulnes ont été plantés.Le ministre qui avait rendu visite aux Wabamahigans sur leur île était présent au moment de la signature de la convention avec les Indiens et les Inuits.Parce qu’il est d’une nature généreuse, il a commis une petite imprudence.Comme un jeune chef lui parlait de champagne pour arroser cette signature, il a répondu :— Vous viendrez le boire chez moi.Le jour dit, sa femme avait préparé des petits fours pour une dizaine de personnes.Deux autocars de soixante places se sont arrêtés devant la porte.Plus de cent Indiennes et Indiens en tenue de soirée ont envahi toutes les pièces de la maison et il a fallu téléphoner très vite pour qu’on livre de quoi les nourrir et les abreuver.Les Indiens ont un large sens de l’hospitalité, ils attendent qu’on l’ait aussi.Tous les réservoirs des barrages sont pleins et les turbines fonctionnent
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