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.S’extirpant de la gangue de boue qu’une pluie automnale n’en finissait pas de ramollir, il se dirigea à pas lents vers le Toron de Saint-Nicolas – au sommet duquel s’élevait le pavillon du roi.Simon n’arrivait plus à se souvenir des raisons qui le poussaient à s’y rendre.Un rocher s’abattit à quelques pas de lui, projeté depuis les hauts remparts d’Acre, et il se rappela alors : « L’informer de mon échec… »Il avait reçu pour mission de diriger les travaux de sape entrepris sur le flanc est de la cité, et tout ce qu’il avait réussi à obtenir, c’était un trou particulièrement profond ; si profond qu’il avait fait s’ébouler une partie des remparts sur ses propres sapeurs.Avait-il vraiment envie d’aller annoncer cela au roi ? Il haussa les épaules, indifférent au sort qui l’attendait.Depuis sa fuite de Damas, plus rien n’avait d’importance.À vrai dire, il se considérait comme mort.« Sans Cassiopée, la vie n’a plus de sens.» Promenant de droite et de gauche son regard de braise, il vit les soldats dont les corps amaigris par les maladies et l’épuisement se confondaient avec les parois des sombres tranchées où ils avaient établi leur camp.Cottes de mailles en lambeaux, écus et casques bosselés, visages noircis par la fumée des batailles… Des gémissements, des soupirs s’exhalaient de barbes drues, grouillantes de vermine.Des mains squelettiques peinaient à se refermer sur des hampes de lance ou des poignées d’épée.Tous, ici, étaient à bout de forces.Et les Sarrasins ne l’étaient pas moins.« Eh bien, se dit Simon, j’ai donc fini par trouver l’Enfer… »Il n’aurait pas été surpris d’y croiser Morgennes.Les membres, les armes, l’armure et les cheveux recouverts de cendre et de boue, les soldats donnaient l’impression de sortir des Enfers – une armée de morts, la mesnie hellequin.Quelles sortes de démons les mèneraient au Sabbat ?S’arrachant dans un bruit de succion à la terre spongieuse, à la tourbe ensanglantée, il leva les yeux en direction des pieux inclinés servant à défendre la tente du roi Guy.Des fumerolles montaient en tourbillonnant dans un ciel saturé de noir, où des orages grondaient depuis plusieurs semaines sans jamais éclater.Simon s’essuya le front, y laissa une traînée de suie, et poursuivit son ascension.Au sommet du pavillon, un étendard pendouillait au-dessus de l’entrée.Des gardes, vaincus par la morosité, s’étaient enfoncés dans un tel ennui qu’ils paraissaient avoir dégouliné de l’étendard.Tout le monde était las.Les assiégés de résister, les assaillants d’assaillir – et même l’armée de secours, envoyée par Saladin pour prendre à revers les forces du roi Guy, semblait s’être arrêtée.Des cerveaux ralentis guidaient mollement des membres englués dans un cauchemar.Simon poussa un soupir, vague gémissement, et pénétra dans la tente.Les gardes ne firent même pas mine de l’arrêter.Le roi se tenait juste à côté de l’entrée, près d’un meuble.Il avait la tête penchée, à cause du plafond bas qui lui frôlait les cheveux.La toile de coton, percée par Dieu sait quoi, laissait filtrer un jour poisseux dans le petit espace que l’ancien roi de Jérusalem occupait avec son état-major.— Majesté, fit Simon.Le roi se retourna, lentement, comme émergeant du sommeil.Il cligna des yeux, cherchant à distinguer celui de ses hommes qui s’était adressé à lui, depuis l’ouverture de sa tente.Simon fit un pas en avant, ses yeux s’accoutumant à l’obscurité.Mieux, la trouant des mille langues de feu qui brûlaient désormais en lui et lui permettaient d’y voir en dépit de la nuit, mais teintaient tout en rouge.Il se demandait pourquoi le roi n’avait pas donné l’ordre d’allumer les torches.Il sentit, surtout, la présence d’inconnus.Son regard se porta vers la droite, en direction d’un coin plus sombre de la tente, et il reconnut un éclat, bleu, lumineux.« Crucifère ! » Il se mordit la lèvre inférieure, pour s’empêcher de parler.« Cassiopée ? » Pourquoi n’arrivait-il pas à percer les ténèbres d’où émanait la hideuse lueur bleue ?Son cœur se mit à battre la chamade, et des gouttes de sueur lui coulèrent dans le dos.Il se redressa, fixa son regard sur le roi, et croisa les bras derrière lui.— Que venez-vous faire ici ? commença le roi.— Mon rapport.Le roi eut un geste, lui signifiant de parler.— Les parois se sont écroulées…— C’est bien.— … sur nos hommes.Guy de Lusignan blêmit, tandis que Simon s’agenouillait, baissant humblement la tête pour ajouter :— La muraille est quasiment intacte.L’opération est un échec.Le trou que nous avons creusé l’a été trop profondément…— Votre intention était-elle de vous rendre aux Enfers, pour en faire jaillir les démons ? N’en sommes-nous pas suffisamment cernés à votre goût ?— Majesté, je… Tout est entièrement ma faute.Faites de moi ce que vous voudrez.Tête penchée sur la poitrine, bras ballants le long du corps, Simon s’attendait à être livré au bourreau.Mais Lusignan se figea.Il paraissait hésiter.Puis, dans un claquement de langue, il dit :— Bah, au moins aurons-nous essayé… Mais tout cela va changer.Car j’ai une bonne nouvelle.Il invita Simon à se relever.— Je crois que vous vous connaissez ?Il indiqua de la main l’endroit où Crucifère – mais était-ce vraiment elle ? – brillait.— Je… je ne sais pas, fit Simon.— Oui, nous nous connaissons, répondit Cassiopée.Elle fit alors un pas en avant, et Simon la vit – escortée d’Emmanuel et de Kunar Sell.Elle tenait dans ses bras la tête de Rufinus.Tous se dévisagèrent sans parler, Simon se demandant ce qu’ils faisaient là.— Son Excelleeence le marquis Conraaad de Montferraaat nous envoie souteniiir Sa Maaajesté, finit par dire Rufinus avec un sourire de défi pour celui qui avait essayé de l’occire.— Je suis ravi de voir le marquis se rallier à moi, expliqua Lusignan.Ensemble, nous vaincrons !— Comment as-tu fait pour survivre ? demanda Simon à Rufinus.Et vous, comment avez-vous fait pour arriver ici ? Notre camp est entièrement cerné par les troupes de Saladin.Effectivement, alors que Lusignan assaillait Acre depuis le 20 août, dès le 29 des renforts envoyés par le sultan étaient venus les prendre à revers.Acre était un comme un noyau de pêche – pêche dont la pulpe était les Francs, et la peau l’armée de secours envoyée par Saladin [ Pobierz całość w formacie PDF ]