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.— Je voulais dire : pourquoi êtes-vous venu en Gascogne ? précisa Planchard patiemment.— Le comte de Northampton m’a envoyé.— Je vois.Thomas avait éludé la question et, au ton de sa voix, l’abbé soulignait bien qu’il n’était pas dupe.— Et le comte a ses raisons, n’est-ce pas ?Cette fois, Thomas ne répondit pas.Apercevant Philin de l’autre côté du cloître, il leva la main pour le saluer.Le coredor lui sourit.Son air serein laissait supposer que son fils, comme Geneviève, était en train de récupérer de sa blessure.Planchard insista.— Le comte a des raisons, Thomas ?— Castillon d’Arbizon était jadis sa propriété.Il voulait la récupérer.— Ce fut sa propriété pour un temps très bref, répondit l’abbé d’un ton acerbe.J’ai du mal à imaginer qu’il soit dans un tel manque de terres qu’il ait besoin d’envoyer des hommes défendre une ville insignifiante de Gascogne, surtout après qu’une trêve eut été signée à Calais.S’il a pu prendre le risque de briser cette trêve en vous envoyant, c’est qu’il devait avoir un motif très particulier, ne crois-tu pas ?Il s’interrompit, attendit une réponse, puis sourit devant l’entêtement de Thomas.— Connais-tu ce psaume qui commence par « Dominus reget me » ? le questionna-t-il en passant insensiblement au tutoiement.— Un peu, répondit évasivement l’archer.— Alors tu connais peut-être ces mots : « Calix meus inebrians » ?— « Ma coupe me rend ivre », traduisit l’Anglais sans sourciller.— Tu as dû remarquer que j’ai regardé ton arc ce matin, Thomas, sans raison, poussé par une simple curiosité.On entend tellement parler de ces fameux arcs de combat anglais ! Cela faisait des années que je n’en avais pas vu, surtout de près.Or j’ai noté que le tien possédait quelque chose que la plupart des autres n’ont pas, je pense.Une petite plaque d’argent.Et sur la plaque, jeune homme, j’ai reconnu le blason des Vexille.— Mon père était un Vexille.— Donc tu es de noble naissance.— De naissance bâtarde, plutôt.C’était un prêtre.— Un prêtre ? Ton père ?Planchard manifestait un étonnement sincère.— Oui, un prêtre, confirma Thomas.En Angleterre.— J’ai ouï dire effectivement que des Vexille y avaient fui, mais il y a de cela de très nombreuses années.Bien avant même ma naissance.Alors pourquoi un Vexille d’Angleterre revient-il à Astarac ?Encore une fois, Thomas se mura dans son silence.Autour d’eux, les moines se rendaient au travail.Portant des houes ou des pieux, ils gagnaient la porte de l’abbaye.— Où ont-ils emmené le comte défunt ? demanda le laïc en essayant d’éluder la question du frère abbé.— À Bérat, naturellement, pour y être enterré avec ses ancêtres.Mais je crains que son corps n’empeste avant même d’arriver à la cathédrale.Je me rappelle quand son père a été inhumé : la puanteur était si effroyable que la plupart des présents se sont précipités au-dehors.Mais quelle était ma question ? Ah oui : pourquoi un Vexille d’Angleterre revient-il à Astarac ?— Pourquoi pas ?Toujours un petit sourire bienveillant aux lèvres, Planchard se leva et fit signe à son jeune interlocuteur de le suivre.— Laisse-moi te montrer quelque chose, Thomas…Il l’entraîna vers l’église.À l’entrée, le moine plongea ses doigts dans le bénitier, puis, face au maître-autel, il fit une génuflexion en se signant.Quasiment pour la première fois de sa vie, Thomas n’observa pas ce même rituel.Les vieilles pratiques n’avaient plus de valeur pour lui, maintenant, puisqu’il avait été exclu de la communauté des fidèles.Il suivit le moine dans la grande nef vide de tout mobilier, jusqu’à un renfoncement derrière un autel latéral.Là , Planchard introduisit une grosse clé dans une porte étroite, qu’il poussa.— Il va faire sombre en bas, avertit le vieillard, et je n’ai pas de lanterne.Alors fais attention en descendant.Une lumière timide parvenait quand même à s’immiscer sur les marches.Quand Thomas arriva en bas, l’abbé leva la main.— Attends ici, ordonna-t-il.Je vais te rapporter quelque chose.Il fait trop noir là -bas pour voir ce qu’il y a dans le trésor.Le jeune homme obéit et attendit sagement.Progressivement, ses yeux s’accoutumèrent à la pénombre.Il constata qu’il y avait huit dégagements voûtés dans la cave.Puis il comprit qu’il ne s’agissait pas seulement d’un caveau, mais d’un ossuaire.Sous l’emprise d’une soudaine horreur, il esquissa un pas en arrière.Du sol au plafond, les arches étaient envahies d’os empilés.Les yeux vides des crânes le fixaient.À l’extrémité est, l’un des renfoncements n’était qu’à moitié plein.Les emplacements libres attendaient les moines qui priaient quotidiennement au-dessus dans l’église.La chambre des morts, le caveau des trépassés, l’antichambre du ciel.À l’autre bout du caveau, dans sa partie la plus sombre, il entendit le cliquetis d’une clé tournant dans une serrure, puis les pas de l’abbé revenant vers lui.La silhouette de Planchard sortit de la pénombre et le vieillard lui tendit une boîte de bois.— Approche-la de la lumière et regarde-la bien.Le comte a essayé de me la voler.Mais quand il est revenu ici avec la fièvre, je la lui ai reprise.Peux-tu la voir correctement ?Thomas s’approcha des marches et tint la boîte dans la faible lumière de l’escalier
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