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.— Je l’espère.» Je suis un adepte convaincu de cette école philosophique qui tend à considérer que tout ce qui peut tourner à l’aigre ne manquera pas de le faire.« Et puis, après tout, ça ne nous concernera plus, non ? On sera loin.— D’un point de vue moral, ça ne me laisserait pas indifférent si la moitié d’un continent plongeait dans la guerre civile.— D’un point de vue moral, j’estime avoir fait suffisamment de sacrifices.»Un frisson glacial m’a parcouru.Pourquoi est-ce que je ne ferme pas ma fichue grande gueule ?« Pardon, ai-je dit.Vous avez raison.J’ai parlé sans réfléchir.— Excuses acceptées.Je dois t’avouer quelque chose.J’ai pris une liberté avec tes projets.— Hein ? » Une de mes brillantes reparties.« J’ai annulé votre traversée à bord du navire marchand.— Quoi ? Pourquoi ?— Il serait incongru qu’un légat de l’Empire voyage à bord d’un rafiot miteux.Tu vois trop petit, Toubib.La quinquérème construite par Volesprit, l’Aile noire, est à quai.J’ai commandé qu’on l’apprête pour une traversée à destination de Béryl.»Par les dieux, le bateau de malheur qui nous avait transportés dans le Nord ! « On n’est pas en odeur de sainteté, à Béryl.— Béryl est une province impériale, maintenant.La frontière passe à quatre cent cinquante kilomètres au sud de la côte.As-tu oublié votre rôle dans cette annexion ? »Je n’aurais pas demandé mieux.« Non.Mais j’ai eu d’autres sujets de préoccupation depuis quelques dizaines de jours.» Si la frontière descendait si bas, alors des bottes impériales foulaient les avenues asphaltées de ma ville natale.Il ne m’avait jamais traversé l’esprit que les proconsuls du Sud aient pu agrandir leurs territoires au-delà des villes franches de la côte.Seules les Cités Joyaux elles-mêmes revêtaient un intérêt stratégique.« Alors, on est amer ?— Qui ? Moi ? Vous avez raison.Profitons de ce moment de raffinement.Ils se feront rares par la suite.» Nos yeux se sont rencontrés.Pendant un moment, des lueurs de défi ont pétillé dans son regard.J’ai détourné le mien.« Comment avez-vous réussi à enrôler les deux guignols dans votre mise en scène ?— Une petite prime.»J’ai ri.Évidemment.N’importe quoi pour de l’argent.« Et quand l’Aile noire sera-t-elle prête à appareiller ?— Dans deux jours.Trois au pire.Et, non, je ne m’occuperai pas des affaires de l’Empire pendant mon séjour ici.— Hmm.Bien.Je suis gavé jusqu’aux oreilles et je crève de chaud.On pourrait peut-être s’en aller… Vous connaissez un lieu sûr dans les environs ?— Tu connais sans doute Opale mieux que moi, Toubib.C’est la première fois que j’y mets les pieds.»J’ai dû paraître surpris.« Je ne pouvais pas être partout.Fut un temps où j’avais fort à faire avec le Nord et l’Est.Puis pour abattre mon mari.Puis pour vous coincer.Je n’ai jamais eu le temps de voyager pour l’agrément.— Grâce au ciel.— Quoi ?— Ça se veut un compliment.Sur votre jeunesse.»Elle m’a adressé un regard calculateur.« Je ne répondrai rien.Tu consignerais tout dans tes annales.»J’ai souri.De minces filets de fumée sont sortis d’entre mes dents.J’ai juré qu’ils me le paieraient.7FUMÉE ET LA FEMMESaule s’imaginait pouvoir démasquer Fumée dans n’importe quelle foule.Il s’agissait d’un drôle de phénomène : tout petit, maigre et ridé, il donnait l’impression d’avoir été enduit de brou de noix sur une partie du corps seulement – il conservait des taches roses sur le dos des mains, un bras et une joue –, ou peut-être l’avait-on aspergé d’un acide qui avait décoloré sa peau.Fumée n’avait rien fait contre Saule.Pas encore.Mais Saule ne l’aimait pas.Lame, apparemment, n’avait pas d’opinion bien arrêtée sur lui.Mais Lame semblait ne se soucier d’à peu près personne.Quant à Cordy Mather, il disait réserver son jugement [ Pobierz całość w formacie PDF ]