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.Ranulf regarda son maître d’un œil attristé et désigna les alentours.— Est-ce là justice divine, Sir Hugh ?— Non, Ranulf, mais c’en est le commencement.Au temps et à l’endroit choisis par Dieu, la justice sera accomplie.La moindre larme versée, l’enfant martyrisé, la femme abusée, l’homme maltraité, chacun est compté.Tout se termine bien à l’heure voulue par Dieu, mais il se sert de nous.Il nous garde près de sa main droite pour réaliser ses buts secrets.Corbett rabattit complètement son capuchon sur sa tête.— Il a besoin de notre intelligence et de notre bon sens, ces talents qu’il nous a donnés.Alors inspecte les environs, Ranulf.Qu’est-ce qui manque ?Ranulf s’exécuta, puis examina les morceaux de bois noircis et la poussière grise gluante.— Maître ?— Les os, déclara Corbett en souriant.Le feu consume tout à l’exception des os humains et pourtant je n’en vois pas un fragment, pas un éclat.Quelqu’un est venu ici pour emporter les restes.— Le père Thomas ? suggéra Ranulf.Ou quelques habitants de Mistleham faisant œuvre de miséricorde ? Les Frères du Libre Esprit y avaient des amis.— Peut-être, admit le magistrat en haussant les épaules.Mais il y a cette citation : Riche, plus riche sera, Là où, en Galilée, Dieu a donné un baiser à Marie.Commence par la première rangée de tombes,Ranulf ; moi je m’occuperai de l’autre bout du cimetière.— Que cherchons-nous ?— Une sculpture, une évocation de l’annonce de Gabriel à la Vierge à Nazareth.Ranulf s’éloigna, bottes craquantes dans les fougères et les ajoncs qui poussaient dans le cimetière.Corbett débuta par le fond.L’entreprise était troublante.La brume, suintant entre les arbres, les suivait à la trace, cortège aérien des âmes des défunts qui avaient vécu et étaient morts en ces parages, et qui s’étonnaient de voir les vivants s’affairer ainsi parmi les trépassés.Corbett allait d’une tombe à l’autre, d’une croix détériorée à une autre.Sur la plupart, les inscriptions étaient effacées.Toutes lui rappelaient ses propres morts, ses parents, sa sœur et sa première épouse, ceux qui étaient partis avant lui.Il récitait le requiem à voix basse lorsque Ranulf poussa un cri et il se précipita vers une stèle située au milieu du cimetière.Elle avait été sculptée dans de la bonne pierre bien des années plus tôt ; le lichen et la mousse dissimulaient les noms et les prières ; on ne distinguait plus que le médaillon gravé avec art représentant l’ange Gabriel, les ailes déployées, planant au-dessus de la Vierge agenouillée.— Regardez, Maître !On avait arraché le lichen pour dégager la sculpture alors que la tombe, elle, disparaissait presque sous les ajoncs et les fougères gelés, entassés sur la sépulture afin de la cacher au mieux.Ils s’empressèrent de les ôter et se mirent à creuser le sol à l’aide de leurs épées, de leurs poignards et d’une hachette que Ranulf gardait dans ses sacoches.La terre était dure, mais il était évident que le remblai était récent.Dessous c’était plus meuble et, au fur et à mesure qu’ils excavaient, la répugnante odeur de la corruption montait dans l’air, les forçant à se couvrir la bouche et le nez.Corbett, se souvenant du conseil que lui avait donné son ami médecin à l’hôpital St Bartholomew, ordonna d’une voix rauque à son compagnon d’enfiler ses gantelets et de ne pas oublier de se laver avec soin le visage et les mains quand ils auraient regagné Mistleham.L’infecte puanteur empira.Ils finirent par trouver le cadavre du pendu – toujours enveloppé de ses hauts-de-chausses et de sa chemise de lin – d’où exsudait une pourriture visqueuse.Le ventre avait gonflé et éclaté ; le visage n’était plus qu’une outre d’immonde chair en décomposition.Le nœud coulant était toujours serré autour du cou.Corbett eut un haut-le-cœur ; Ranulf se détourna, au bord de la nausée.Ils durent tous les deux s’écarter pour respirer l’air frais.Ils revinrent munis de branches mortes pour extraire la dépouille de sa sépulture.Corbett, habitué à s’occuper des morts sur les champs de bataille, trouva cette tâche macabre épouvantable.Le magistrat ne doutait pas que ce fût John Le Riche et il dut faire un effort pour se rappeler que cet infecte amas de chair putréfiée avait été un être vivant.Ils enlevèrent le cadavre et retournèrent à la tombe, où ils passèrent au crible une autre couche de terre humide et répugnante avant de trouver le coffre de flèches.Ils le remontèrent, en soulevèrent le couvercle et sortirent plusieurs petits ballots de cuir qu’ils ouvrirent et vidèrent.Ranulf laissa échapper un soupir de stupeur respectueuse devant la pile de bagues, de bracelets, de coupes, de chapelets, de pichets et de plats, scintillant butin de pierres et de métaux précieux incrustés de joyaux, qui ne cessait de grossir.Des diamants, des rubis, de la nacre, des crucifix, des sceaux, des broches, des épingles à cheveux, des colliers et des brassards remplissaient d’autres sacs.Le dernier objet était une cassette en bois renfermant deux rouleaux de parchemin.Le premier présentait un dessin fort semblable à la fresque de l’église St Alphege.Corbett l’examina puis le tendit à Ranulf.— Regarde, quoi qu’ils aient imaginé, ils l’ont d’abord préparé.La copie est fidèle : le château abattu, l’homme étendu dans le lit, la scène du banquet, la fuite, le grand dragon qui s’élève dans le ciel, les symboles et les plantes étranges.Le second document, à l’encre rouge et bleue, était plus long.C’était une frappante représentation de l’Enfer conçu sous forme de grands cercles concentriques
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