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.Glinn suivait la scène avec intérêt.La sagacité de l’inspecteur, sa capacité à interpréter les quelques indices glanés d’un simple coup d’œil, la facilité avec laquelle il avait percé la psychologie de son hôte intriguaient ce dernier, partagé entre agacement et admiration.À la lueur de l’écran plat encore muet, Glinn feuilleta une nouvelle fois le dossier.La mission que lui avait confiée Pendergast pouvait sembler accessoire, mais elle présentait plusieurs points intéressants.À commencer par les rapports entre les deux frères, dignes de Caïn et Abel.Ce Pendergast était de toute évidence un personnage hors du commun.Glinn n’avait jamais rencontré d’individu capable de rivaliser intellectuellement avec lui, ce qui avait contribué à entretenir sa misanthropie.Et voilà qu’il croisait enfin la route d’un être auquel il pouvait s’identifier, pour reprendre une horrible expression à la mode.Le frère de Pendergast semblait plus intelligent encore, mais d’une intelligence exclusivement tournée vers le mal.Un personnage pétri de méchanceté, capable de vouer son existence à l’objet de sa haine avec une fureur obsessionnelle, proche de la passion amoureuse.Seule une expérience dramatique avait pu déclencher une telle exécration.Glinn releva la tête et vit que Rolf Krasner s’apprêtait à passer aux choses sérieuses.Derrière la bonhomie trompeuse de ce psychologue jovial et patelin, doté d’un charmant accent viennois, se dissimulait un grand professionnalisme.Pour l’avoir souvent vu à l’œuvre, Glinn n’était plus dupe depuis longtemps de l’innocence apparente de ce Docteur jekyll aux instincts de Mister Hyde.Pourtant, Krasner n’avait jamais été confronté à un patient aussi brillant.Glinn alluma le son de son téléviseur en poussant l’interrupteur d’un doigt ferme.— Cher monsieur Pendergast, disait Krasner d’un air affable, puis-je vous proposer quelque chose avant de commencer.De l’eau ? Un soda ? Un martini ?Il ponctua sa question par un léger gloussement.— Rien, je vous remercie.Pendergast paraissait mal à l’aise, ce qui n’était guère surprenant.Effective Engineering Solutions disposait de trois techniques d’interrogatoire différentes, selon la personnalité des sujets concernés ; une quatrième, plus expérimentale, servait uniquement dans les cas extrêmes.Après en avoir discuté ensemble, Krasner et Glinn n’avaient pas hésité un seul instant.La technique n°4 n’avait été utilisée qu’à cinq reprises auparavant, mais toujours avec succès.— Nous allons recourir aux bonnes vieilles méthodes de la psychanalyse, expliqua Krasner.C’est pourquoi je vous demanderai de vous allonger sur ce divan de façon-à ne pas me voir.Pendergast s’installa comme le lui demandait le psychologue et croisa ses mains blanches sur sa poitrine.Si ce n’était les haillons qu’il portait, on aurait pu croire un corps exposé lors d’une veillée funèbre.Quel personnage fascinant, pensa Glinn en approchant son fauteuil de l’écran.— Peut-être aurez-vous reconnu cette pièce, monsieur Pendergast ? demanda Krasner en marchant de long en large.— Absolument.Il s’agit du 19 de la Berggasse— Exactement ! Une réplique du bureau de Freud à Vienne.Nous ayons même réussi à nous procurer plusieurs de ses sculptures africaines.Ce tapis persan lui appartenait également.Freud disait de son bureau qu’il était gemütlich, un terme allemand intraduisible, synonyme tout à la fois d’agréable, de confortable, de douillet.C’est précisément l’atmosphère que nous avons souhaité recréer ici.Parlez-vous allemand, monsieur Pendergast ?— Je n’ai malheureusement pas ce bonheur.J’aurais pourtant aimé pouvoir lire le Faust de Goethe dans le texte.— Une œuvre remarquable, à la fois puissante et poétique, approuva Krasner en s’asseyant sur un tabouret, hors du champ de vision de Pendergast.— Faites-vous appel aux méthodes psychanalytiques d’associations libres ? demanda Pendergast assez sèchement.— Oh non ! Nous avons mis au point une technique qui nous est propre.Nous privilégions une approche plus directe.Il n’est ni question de piéger le patient, ni d’interpréter ses rêves.Nos références à Freud s’arrêtent au décor de cette pièce.Krasner conclut par un nouveau gloussement et Glinn ne put retenir un sourire.À l’image des autres méthodes, la technique n°4 n’était pas exempte de pièges, mais le sujet n’était pas censé s’en apercevoir.Les questions posées étaient extrêmement simples.En apparence, tout du moins.Les patients les plus intelligents pouvaient aisément se laisser leurrer, mais encore fallait-il faire preuve de prudence et de subtilité dans le maniement des questions.— Je commencerai par vous aider en recourant à des techniques de visualisation très simples, tout en vous posant des questions banales.Ce n’est en aucun cas de l’hypnose, il s’agit uniquement de vous aider à vous concentrer afin de faciliter les réponses.Êtes-vous prêt, Aloysius ? Si je puis me permettre de vous appeler ainsi.— Vous le pouvez, et je suis à votre disposition, docteur Krasner.Je crains malheureusement de ne pouvoir vous fournir l’information qui vous intéresse.Je ne crois tout simplement pas qu’elle existe.— Ne vous souciez pas de cela.Détendez-vous, faites ce que je vous dis et répondez à mes questions du mieux que vous le pouvez.Détendez-vous.Glinn savait déjà qu’une fois l’interrogatoire entamé, Pendergast serait tout sauf détendu.— Parfait.Je vais commencer par baisser les lumières, et je vous demanderai de fermer les yeux.— À votre guise.La pièce se retrouva bientôt plongée dans la pénombre.— Nous allons commencer par trois minutes de silence, précisa Krasner.Une éternité s’écoula avant que Krasner reprenne la parole— Nous pouvons commencer.Krasner chuchotait presque, s’exprimant d’une voix douce.Il laissa passer un nouveau silence avant de reprendre.— Inspirez lentement.Retenez votre respiration.Expirez plus lentement encore.Recommençons.Inspirez, retenez votre respiration, expirez.Relaxez-vous.Très bien.Je voudrais à présent que vous vous placiez dans le cadre de votre choix, celui dans lequel vous vous sentez le mieux au monde.Prenez le temps de vous y installer.Maintenant, regardez autour de vous et respirez l’air à pleins poumons.Vous sentez les odeurs qui vous entourent, vous reconnaissez des sons familiers.Dîtes-moi à présent ce que vous voyez.Pendergast ne répondit pas tout de suite.Dans son bureau, quelques étages plus haut, Glinn était littéralement collé à son écran.— Je me trouve sur une vaste pelouse à l’orée d’un bois de vieux bouleaux.J’aperçois un pavillon d’été, des jardins et un moulin à eau au pied duquel s’écoule une rivière.La pelouse remonte en pente douce jusqu’à une vieille demeure de pierre protégée par des ormes.— Quel est cet endroit ?— Ravenscry.La propriété de ma grand-tante Cornelia.— En quelle année sommes-nous, et à quelle saison ?— Au milieu du mois d’août 1972.— Quel âge avez-vous ?Douze ans.— Respirez à nouveau l’air qui vous entoure.Que sentez-vous ?— L’odeur de la pelouse fraîchement tondue, de légers effluves émanant des pivoines du jardin.— Qu’entendez-vous ?— Un engoulevent, 1a rumeur des feuilles caressées par la brise, le murmure lointain de la rivière.— Bien, très bien
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