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.« Du mieux que nous pourrons.»1966 : on pouvait tout simplement pas arrêter de rigoler, Lorsque je me présentai à l'université du Maine, en 1966, il y avait encore un autocollant Goldwater, en lambeaux et décoloré mais cependant tout à fait lisible (AuHZ0-4-USA 1), sur le pare-chocs de la vieille Oldsmobile familiale dont mon frère m'avait fait cadeau.En 1970, lorsque je quittai l'université, je ne possédais plus de voiture ;j'avais par contre une barbe et des cheveux qui me descendaient jusqu'aux épaules, ainsi qu'un sac à dos avec un autocollant qui proclamait : RICHARD NIXON EST UN CRIMINEL DEGUERRE.Au col de mon blouson en toile de jean, j'avais un badge sur lequel on pouvait lire : JE SUIS PAS FILS D'ARCHEVÊQUE.Je suppose que le temps des études supérieures est celui des changements, celui où se produisent les dernières convulsions de la jeunesse, mais je doute qu'il y en ait jamais eu d'une ampleur comparable à ceux que connurent les étudiants qui débarquèrent dans leur campus à la fin des années soixante.La plupart d'entre nous n'évoquent guère ces années, aujourd'hui; non pas parce que nous en avons perdu le souvenir, mais parce que le langage dans lequel nous nous exprimions a été perdu.Quand j'essaie de parler des sixties, quand j'essaie seulement d'y penser, même, je suis submergé par l'horreur et l'hilarité.Je revois des pantalons pattes'd'éf et des grosses chaussures de 1.Barry Goldwater, candidat ultraconservateur à la présidence des États-Unis, dont le nom peut se traduire par eau d'or; Au : symbole de l'or; H2O, symbole de l'eau ; le chiffre 4 (four) est là pour for, c'est-à-dire pour (NDT).marche.Je sens l'odeur du hasch et du patchouli, de l'encens et de la menthe.Et j'entends Donovan Leitch qui chante sa chanson douce et stupide sur le continent perdu de l'Atlantide, des paroles qui me paraissent toujours profondes aux petites heures, quand je n'arrive pas à m'endormir.Plus je vieillis, plus il m'est difficile d'ignorer la stupidité de cet air et de n'en retenir que la douceur.Je dois faire l'effort de me rappeler que nous n'étions que des gamins, encore assez petits pour mener notre existence aux brillantes couleurs sous les champignons, les ayant toujours pris pour des arbres, des abris sous l'abri du ciel.Je sens bien que tout cela n'a pas vraiment de sens, mais c'est le mieux que je puisse faire: Vive l'Atlantide.J'achevai ma dernière année n'habitant plus sur le campus, mais à LSD Acres, dans les cabanes en voie de décomposition édifiées le long de la rivière Stillwater ; cependant, lorsque j'arrivai à l'université du Maine, en 1966, je m'installai à Chamberlain Hall, qui faisait partie d'un complexe de trois dortoirs : Chamberlain (garçons), King (garçons) et Franklin (filles).Il y avait aussi un réfectoire, Holyoke Commons, situé un peu à l'écart des dortoirs ; il n'était pas très loin, à quelque chose comme deux cents mètres, mais paraissait au bout du monde les soirs d'hiver, quand le vent était violent et que la température descendait autour de moins dix.Assez loin, en tout cas, pour que Holyoke soit connu sous le nom de Palais des Plaines.J'ai beaucoup appris à la fac, mais ce fut rarement en classe.J'ai par exemple appris comment embrasser une fille et enfiler une capote en même temps (talent indispensable et trop souvent négligé), comment descendre un distingué de bière sans dégobiller, comment me faire un peu d'argent pendant mon temps libre (en rédigeant les devoirs de gosses plus friqués que moi, c'est-à-dire la majorité), comment ne pas voter républicain, même si j'appartenais à une longue lignée qui n'avait jamais fait autrement, comment défiler dans la rue en brandissant une pancarte au-dessus de ma tête et en hurlant : Un deux trois, ta putain d'guerre on la f'ra pas ! et Hé hé, LBJ', combien de mômes t'as tués aujourd'hui ?J'ai appris qu'il était imprudent de se mettre dans le vent des gaz lacrymogènes et que, sinon, il fallait respirer lentement à travers un mouchoir ou un foulard.J'ai appris que quand les matraques commencent à tournoyer, il faut se laisser tomber de côté, remonter les genoux contre la poitrine et se couvrir la nuque avec les mains.A Chicago, en 1968, j'ai aussi appris que les flics étaient capables de vous battre pratiquement à mort, en dépit de ces pré-cautions.Mais avant d'apprendre tout cela, j'avais été initié aux plaisirs et aux dangers du chasse-coeurs.On comptait seize chambres de deux lits et donc trente-deux étudiants au deuxième étage du Chamberlain Hall, en 1966 ; en janvier 1967, dix-neuf d'entre eux avaient soit déménagé, soit laissé tomber leurs études, victimes du chasse-coeurs.Sa folie nous balaya, cet automne-là, comme une méchante épidémie de grippe.Seuls trois des jeunes hommes du second se montrèrent complètement immunisés, je crois.L'un d'eux était mon compagnon de chambre, Nathan Hoppenstand ; le deuxième était David Dearborn, dit Dearie, le responsable de l'étage ; et le troisième Stokely Jones IlI, qui n'avait pas tardé à être connu par les citoyens de Chamberlain sous le sobriquet de Rip-Rip.C'est parfois de Rip-Rip qu'il me semble avoir envie de vous parler; à d'autres moments, j'ai plutôt l'impression que c'est de Skip Kirk (que l'on appela bientôt, évidemment, Captain Kirk), qui fut mon meilleur ami pendant ces années-là; à d'autres encore, que c'est de Carol.Mais je me dis souvent que ce sont les sixties elles-mêmes qu'il me plait d'évoquer, bien que la tâche m'ait toujours paru impossible.Cependant, avant d'en venir à tout cela, il faut que je vous parle du chasse-coeurs.Skip a une fois observé que le whist était le bridge des crétins et le chasse-coeurs celui des vrais crétins.Je ne vais pas polémiquer là-dessus, d'autant que là n'est pas la question.Le chasse-coeurs est un jeu marrant, c'est là la question, et quand on y joue pour de l'argent (un nickel le point était le taux habituel à Chamberlain Deuxième Étage), il devient rapidement une drogue.Le nombre idéal de joueurs est de quatre.Toutes les cartes sont distribuées puis jouées par levées successives.Le total maximum des points est de vingt-six : les treize coeurs à un point chacun, et la reine de 1.LBJ : Lyndon B.Johnson (Nd.T).pique (que nous surnommions la Gueuse), qui compte pour treize points à elle toute seule.La partie se termine quand l'un des joueurs dépasse cent points.Le gagnant est celui qui totalise le moins de points.Dans nos marathons, chacun des trois autres casquait en fonction de la différence de points entre lui et le gagnant [ Pobierz całość w formacie PDF ]