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.L’objet trônait habituellement dans sa médiathèque, mais, pour cette fête, il l’avait fait apporter au salon.Quand il y avait des gros plans, c’est-à-dire la plupart du temps, ces têtes de quatre-vingt-dix centimètres rappelaient furieusement celles des dirigeants des pays totalitaires.L’audimat des débats télévisés n’a cessé de chuter au fil des années.La raison en est que les politiciens ont appris à se comporter devant les caméras.Ils font appel aux services de brillants ex-journalistes afin d’anticiper les questions que poseront les intervieweurs, questions auxquelles leurs services de sondages les aident à formuler des réponses appropriées, réponses qu’ils testent sur des groupes échantillons pour les mettre parfaitement au point.Ils se filment ensuite en train de réciter ces réponses et montrent les vidéos à de nouveaux panels, qui sont connectés à des machines permettant de connaître leurs réactions biochimiques, jugées plus sûres que leurs évaluations verbales.Les reporters posent exactement les questions auxquelles les candidats s’attendent, et les réponses sont aussi prévisibles et téléphonées que les questions.Et plus ce phénomène s’amplifie, plus les reporters se comportent comme si le rôle qu’ils jouent au sein de ce docudrame était fascinant et vital.Harry Lee Taunton, de Fox News, a tendu à Scott une des perches que celui-ci guettait, au sujet de la sécurité, en lui demandant quel était le président susceptible d’offrir la meilleure garantie de sécurité à l’Amérique.Scott s’est lancé dans sa tirade préfabriquée, qui constituait le noyau de toute sa campagne.Il a déclaré que, quand les terroristes frappaient, il rendait coup pour coup.Que, grâce à Dieu et aux combattants et combattantes d’Amérique, nous avions débarrassé le monde de régimes terroristes en Afghanistan, au Kafiristan, en Irak.Il a évoqué la création de la Sûreté du territoire, et affirmé que sous son mandat le monde était devenu un endroit plus sûr.Que l’Amérique, surtout, était devenue plus sûre.Le moment était venu de conclure :— Mon adversaire est une femme admirable, elle a une vaste expérience en tant qu’infirmière et en tant que, euh, euh, animatrice d’une émission médicale…Le « euh, euh » avait été soigneusement répété, et le terme « animatrice » testé devant un groupe échantillon.— Elle a également assumé des responsabilités publiques.Le problème, c’est que la crise ne s’est pas éloignée définitivement.Le problème, c’est de savoir à qui vous faites confiance lorsque l’ennemi frappe l’Amérique.Votre problème à vous, électeurs, c’est de savoir qui vous désirez avoir comme commandant en chef.C’est de savoir qui a la force de caractère, la volonté, le courage de défendre l’Amérique !Les invités de Stowe ont applaudi et sifflé.Pour Murphy, le moment était venu de répondre.— Lorsque ce pays était en guerre contre le Viêt-nam, je me suis engagée…— Comme infirmière, a interrompu le Grand Homme.Les règles du débat, bien entendu, proscrivaient toute interruption.Néanmoins, que pouvait faire Murphy ? Si elle ne réagissait pas, elle donnait une impression d’impuissance.Se montrerait-elle aussi impuissante lors de la prochaine attaque terroriste ? Si elle se plaignait au modérateur, elle avouait qu’elle avait besoin d’aide, qu’il lui fallait un papa pour la soutenir.Mais en ripostant, d’après les groupes cibles, elle passerait pour une garce ; et, toujours selon les groupes cibles, les électeurs n’aiment pas les garces.Scott semblait donc l’avoir coincée.— J’ai vu la guerre en face, a poursuivi Murphy.Elle choisissait apparemment d’ignorer l’interruption, de jouer la « fille qui en a » et de persévérer bravement.Elle a marqué une pause et a ressemblé… à un être humain, un être humain véritable.Puis elle nous a parlé.Simplement, directement, comme si elle se trouvait là, chez nous, et nous connaissait tous.Elle s’exprimait comme si l’on était assis, face à face, à la table de la cuisine.Comment ne pas l’aimer, ne pas la croire ?— Je suis allée à la guerre, pendant que ce gosse de riches se faisait enrôler dans la Garde nationale grâce au piston de son père.J’aurais plus de respect pour lui s’il était allé au Canada ou s’il avait brûlé son ordre d’incorporation.N’importe quoi plutôt que de se défiler de cette façon…— Comment osez-vous ? a protesté Scott.Anne Lynn a décidé de l’ignorer.— Tout ce que je dis là est parfaitement documenté.Il est exact que j’étais infirmière.Je me suis occupée de militaires américains, hommes et femmes, lorsqu’ils étaient blessés.Parfois lorsqu’ils étaient mourants.Il y a aussi quelque chose que vous savez tous, mais je le mentionne de nouveau à cause du contexte.J’étais attachée à un hôpital de campagne.Nous avons été attaqués ; un obus de mortier a explosé dans la tente de l’hôpital.Eh bien, j’ai pris un M-16 et je suis sortie en pleine nuit pour défendre le périmètre.Il n’était pas question que je laisse mes patients se faire tirer dessus.« J’ai essuyé le feu de l’ennemi.J’ai fait usage d’une arme au combat.De nous deux, c’est moi qui suis le soldat.Lui, c’est le gosse de riches qui s’est planqué…La caméra a montré le visage de Scott.Il savait qu’il n’était pas censé parler.À aucun moment de la campagne, Murphy ne s’était comportée ainsi.Pas une seule fois.Les collaborateurs de Scott ne l’avaient jamais préparé à cela.Pas une seule fois, au cours des répétitions, la doublure de Murphy n’avait tenu ce genre de propos.Et comment la candidate se débrouillait-elle pour ne pas avoir l’air d’une harpie ? Ses conseillers étaient tous convenus que si elle se montrait trop agressive, elle serait aussitôt cataloguée comme mégère et renvoyée dans ses foyers.Ce qu’elle disait était extrêmement venimeux, mais, comme Oprah Winfrey, elle parlait sur le ton de la conversation familière, elle n’avait pas l’air méchant.Scott se demandait comment diable il allait pouvoir réagir, et son stress était télévisible.— Mon adversaire voudrait que vous le preniez pour une sorte de héros de la guerre, a poursuivi Anne Lynn Murphy.Il n’arrête pas de produire ces clips vidéo où on le voit conduire des tanks, ou bien manger le rata en compagnie de vrais combattants et combattantes [ Pobierz całość w formacie PDF ]