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.Lors de cette réunion, on proposa aux ouvriers hautement qualifiés, tels que Castel, de partir travailler en Allemagne.La proposition prit la forme d’une menace à peine voilée.Effrayé, et après en avoir discuté avec sa femme, René passa donc la visite médicale d’embauche le 13 et partit pour l’Allemagne le 17.Il s’écoula cinq jours durant lesquels il fut laissé libre de se préparer au départ, après avoir touché une prime substantielle de mille francs, qu’on lui remit au 50 rue de Turbigo, au bureau du Service des avances aux familles des travailleurs partis pour l’Allemagne.Le 17 au matin, il embrassait sa femme sur le quai de la gare de l’Est avant de prendre le train qui devait le conduire jusqu’aux environs de Berlin.René Castel fut installé dans un camp regroupant les volontaires du STO, près de la capitale du Reich.La vie y était, toutes proportions gardées, relativement libre et, tout au moins au début, la nourriture satisfaisante.Pour faire fonctionner les usines de guerre, les nazis n’hésitaient pas à faire certains sacrifices.Mais il fallait travailler dur : onze heures par jour, six jours sur sept.Le dimanche, on pouvait prendre le tram et se promener, aller au cinéma…Tous les matins, un camion venait chercher les STO au camp, pour leur faire traverser Berlin jusqu’à l’usine Messerschmitt.René montait les moteurs, sous la surveillance de contremaîtres, eux-mêmes contrôlés par la Gestapo.Castel travaillait sur le Messerschmitt BF 109, dit « Gustav ».Doté d’un moteur de 1 475 chevaux, son armement comprenait un canon de 30 mm, deux mitrailleuses et deux canons de 20 mm, placés sous les ailes.Il pouvait faire des pointes de 690 km/h.Les menus travaux de l’usine, transport des charges, nettoyage, étaient assurés par des prisonniers étranges, vêtus de tenues rayées, maigres à en faire peur, et qui, lors des pauses, lorgnaient avec insistance sur les casse-croûte que les STO ingurgitaient pour se donner courage.Parqués dans un coin sous la garde de chiens et de SS, ils attendaient que le travail reprenne, et s’en allaient le soir, le dos voûté.Ils changeaient souvent de visage et Castel attribuait cette ronde des effectifs à une mauvaise gestion des équipes…Il ne pouvait soupçonner ce qui se passait derrière les barbelés du camp de Sachsenhausen-Orianenbourg, « Sachso » comme disaient les détenus, installé à quelques kilomètres seulement de Berlin.CHAPITRE IILa salle des fêtes d’Origny-sur-Marne avait été soigneusement décorée.Calicots, tentures et drapeaux rouges, portraits (en pied) du secrétaire général, rien n’avait été négligé pour donner au vaste hall son allure des grands jours.Les membres du bureau fédéral du département admiraient le travail accompli par les ouvriers du Syndicat des communaux de la ville.On avait prévu trois mille sièges, pour l’instant vides.Des tables de presse étaient installées à l’entrée, et les piles de cartes d’adhésion neuves étaient alignées avec soin, dans l’attente d’acquéreurs que l’on espérait nombreux.Un groupe de chanteurs sud-américains était prévu pour la partie artistique du meeting, qui serait suivi d’un bal populaire.La Fédération départementale avait tenu à soigner son image de marque et, à défaut de la présence du secrétaire général, en voyage à l’étranger, plusieurs membres du Comité central devaient se montrer à la tribune.Fontreux, le vétéran du Parti, avait promis un laïus.Il s’agissait de faire d’une pierre deux coups : d’une part, assurer une assistance massive à la cérémonie traditionnelle de remise des cartes, d’autre part, « lancer » le candidat de la Fédération aux prochaines élections législatives.Le député sortant, un élu du Parti, était trop vieux et trop malade pour renouveler son mandat.Il n’était plus assez battant pour mener campagne, alors que la partie s’annonçait rude…En effet, depuis le début de la législature en cours, de profondes modifications sociologiques avaient affecté le tissu électoral du département : à grand renfort de publicité, les « villages » nouveaux avaient fleuri dans de nombreuses communes, au point de concurrencer, en nombre d’électeurs, les bastions du Parti, naturellement ancrés dans les cités HLM.Telles les sauterelles dévastant les champs de blé mûr, des nuées de cadres — couche sociale foncièrement hostile au Parti — s’installaient dans les pavillons cossus, rongeant les statistiques, menaçant de renverser la vapeur politique, et ce, au détriment des défenseurs farouches de la population laborieuse
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