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.Laissant derrière nous l’entrepôt de Lenantais, éteint et relativement clos, nous débouchâmes en cahotant dans la rue Nationale, puis la rue de Tolbiac.Je tournai à gauche, en direction des quais.Au croisement de la rue de Patay, une voiture attardée manqua de nous entrer dans le chou.Foutu cornichon, va ! Je veux bien admettre que les phares de la Ford ne se signalaient pas à plusieurs lieues – c’est tout juste s’ils éclairaient les quelques mètres de route nécessaires à la conduite, et avec ce brouillard, mais tout de même.qu’avait-il à circuler si tard, ce cornichon ? Il ne pouvait pas être couché, comme tout le monde ? A mesure qu’on approchait de la Seine, la brume s’épaississait, transperçant nos vêtements de son humidité traîtresse.Le froid meurtrissait mes doigts, involontairement crispés sur le volant.En dépit de la température, je suais.De temps en temps, je sentais la cuisse de Bélita frissonner contre la mienne.Elle aussi, elle suait.Son odeur de brune montait en ondes jusqu’à mes narines.Nous accomplissions une drôle de balade.Fasse le Ciel que personne ne veuille jeter un coup d’œil sur la marchandise que nous transportions.Bon Dieu ! que le fleuve me semblait loin ! Existait-il encore ? Je commençais à regretter presque mon expédition.Mais il était trop tard pour reculer, maintenant.Traversant la ouate fuligineuse, un roulement de train parvint à mes oreilles.Le pont de Tolbiac.Le pont métallique qui enjambe les voies ferrées de Paris-Austerlitz.Enfin ! Encore quelques tours de roues et nous serions sur les quais.Je.L’infâme chauffard ! Il était schlass, pas possible ! Ou Anglais.Les deux, sans doute.Il roulait à gauche, tous feux éteints, et lorsqu’il s’avisa qu’un peu de lumière ne ferait pas mal dans le tableau, il était à peine à quelques mètres du capot de la Ford.Moins une ! Ce fut comme un éclair.Comme dans un rêve, je vis, avant que les phares puissants ne m’aveuglent, s’iriser les gouttelettes de flotte en suspension dans l’atmosphère et luire les arceaux d’acier de l’ouvrage d’art.Je braquai désespérément et escaladai le trottoir, dans un grand barouf de carrosserie déglinguée, et stoppai le long de la grille, le moteur calé.Lui, ne m’avait pas attendu.J’aimais autant.Il s’était rejeté sur la droite et avait filé.Je restai un instant abruti, sous l’effet du contrecoup.Sous celui de la secousse, Bélita avait glissé à bas de la banquette.Je l’aidai à se relever.Nous n’échangeâmes pas une parole.Je sortis mon mouchoir et m’épongeai.Devant nous, la masse peinte en jaune des Entrepôts frigorifiques se confondait avec le brouillard.La haute tour qui domine ces installations semblait décapitée.Au-dessous de nous, un train aveugle passa, tressautant à l’aiguillage.Un disque dut changer de couleur.Le son que produisit la plaque de fer, lorsqu’elle modifia son orientation, résonna sourdement dans la nuit rendue au silence.Je me secouai.Nous ne pouvions pas rester là.J’essayai de remettre le moteur en marche.Le moulin refusa d’émettre le plus petit ronron.Bon Dieu ! se débiner, en abandonnant guimbarde et mort inconnu ? Certes, il n’attraperait pas un rhume, mais.Une manivelle traînait sous le siège.Je m’en emparai et descendis m’en servir.Pour débuter, je m’en foutis un coup sur la main, en retour.Je renouvelai ma tentative.Le moteur ricana, et cala aussi sec.Des bruits imaginaires peuplaient mon ciboulot : bruits de moteurs, pas qui résonnent sur l’asphalte, voitures qui s’approchent, sirènes qui hululent.Enfin, le dernier effort fut le bon.J’aurais peut-être dû commencer par celui-là.Je repris le volant et appuyai sur le champignon.Maintenant, j’étais plus pressé que jamais.J’avais hâte de déposer ma cargaison dans un coin tranquille où elle serait facilement découverte.Nous débouchâmes sur le quai de la Gare, lugubre et désert.De loin en loin, les globes électriques perçaient péniblement la brame de leur lumière fantomatique.Au pied des candélabres, allongés sur les grilles d’aération du chauffage urbain dont les canalisations serpentent sous cet endroit, quelques dodos, sourds aux appels de l’abbé Pierre, dormaient d’un sommeil torpide.Un linceul glacé recouvrait la Seine, et tant qu’il y était et tant pis pour le vin, tout Bercy, sur l’autre rive.Toujours brimbalante, la Ford gagna la berge par le premier plan incliné que j’aperçus.On devinait, s’étendant jusqu’au bord de l’eau, des amas de ferraille.L’inconnu, qui paraissait aimer le bric-à-brac, serait tout à fait chez lui, dans ce chantier de récupération métallurgique.Je stoppai, descendis en vitesse et courus à l’arrière de la camionnette.J’allongeai le bras pour saisir le cadavre.Tous ces cahots et secousses divers l’avaient déplacé.Je tâtai de droite et de gauche.Je n’avais pas entendu Bélita me rejoindre et lorsqu’elle posa sa main sur mon bras, je sursautai.J’avais les nerfs à fleur de peau.Je mis un siècle à trouver ma boite d’allumettes.J’en craquai une.Mais, voyons ! c’était tout à fait normal.C’est le contraire, qui ne l’aurait pas été.Le plateau de la camionnette était vide !On l’a paumé, ricanai-je, amèrement [ Pobierz całość w formacie PDF ]