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.Les fleurs des flamboyants explosaient littéralement sous ses gros rangers noirs.Je l’ai à peine entendu.O.K., j’avais déjà réussi à lui échapper une fois – à lui et à la mort.Mais c’était à cause du défibrillateur et de l’injection d’adrénaline – d’après ce que s’entêtaient à dire les médecins, en tout cas.Mon évasion n’avait rien à voir avec ce que j’avais fait dans son monde à lui, insistaient-ils.Je n’y étais strictement pour rien.Parce que ce monde-là n’e-xis-tait-pas.— Comment tu t’y es prise pour venir jusqu’ici, d’ailleurs ? Cette clôture fait plus de deux mètres.Et elle est hérissée de piquets, marmonnait-il.Je n’aurais pas voulu dire un truc qui aurait pu envenimer les choses.Du style… que cette clôture n’avait pas été si difficile que ça à escalader, une fois que j’avais fait rouler une des énormes poubelles vertes qu’on trouve partout à Isla Huesos pour la caler contre le mur.Et ce n’était pas ma faute si la famille de Dolores Sanchez, épouse regrettée de Rodrigo, avait choisi d’édifier son tombeau si près de la clôture, me procurant donc, par la même occasion, un parfait terrain d’atterrissage.Est-ce que je devais vraiment prendre le risque de le faire redémarrer au quart de tour en lui faisant remarquer que, même si la police avait compris ce qu’elle avait vu sur l’enregistrement vidéo – ce qui n’était pas le cas –, il n’y avait, de toute évidence, aucune chance pour qu’elle le retrouve pour l’interroger ? Les flics de Westport ignoraient où il habitait.Est-ce que quelqu’un le savait seulement – à part moi ?Cependant, j’avais deux ou trois petites questions à lui poser, moi aussi.Comment s’y était-il pris, lui, ce jour-là, avec M.Mueller, pour débarquer pile quand j’avais justement besoin de lui ? Est-ce que c’était vraiment grâce au collier, comme il l’avait prétendu en me le secouant sous le nez ? Est-ce que c’était comme ça qu’il avait su aussi pour le bijoutier ?Mais pourquoi s’était-il donné cette peine, d’ailleurs, puisqu’il ne pouvait manifestement plus me sentir après ce que je lui avais fait subir ?Bon.Ce n’était sans doute pas le moment de remettre ça sur le tapis.— Je n’y suis pour rien, tu sais, lui ai-je fait remarquer alors même qu’il m’entraînait déjà, si vite que j’avais peur de perdre une de mes sandales – quoique ce ne soit pas vraiment mon souci primordial, en l’occurrence.— Ah non ? (Il a braqué sur moi ses yeux métalliques.) Comment ça ?— Je suis juste morte, moi.Et, après, quand l’occasion de ne plus l’être s’est présentée, je l’ai saisie.Tout le monde en aurait fait autant, à ma place.Il s’est détourné pour regarder droit devant lui.— Ben voyons.Tu contrôlais parfaitement la situation.— Et c’est censé vouloir dire quoi, ça ? lui ai-je rétorqué, piquée au vif par ce ton qu’il avait pris.Absolument.J’ai réussi à m’échapper, non ? Et je te l’ai dit : j’étais morte de peur.Je ne voulais pas te faire du mal.Je n’avais rien contre toi.C’est bien pour ça que je suis venue ici ce soir : pour te demander pardon.J’essaie de t’aider.Je t’ai rendu le collier.Je ne vois pas ce que je peux faire de plus.— Je vais te dire, moi, ce que tu peux faire, m’a-t-il répliqué, s’arrêtant net.(Maintenant, il avait les deux mains sur mes épaules.Mais ce n’était toujours pas pour m’embrasser.) Me foutre la paix !Les larmes me sont aussitôt remontées aux yeux.C’était donc ça qu’il attendait de moi ? Que je le laisse tranquille ?Ces retrouvailles tournaient au désastre.C’était encore plus désastreux que quand j’étais morte – et je respirais encore, c’est dire.— J’aimerais bien, lui ai-je balancé à mon tour.Je n’entendais plus rien, en dehors de sa voix de basse pleine de reproche, rien que les coups de boutoir de mon cœur dans mes oreilles : « Idiote, idiote, idiote… »— Sauf que, chaque fois que j’essaie, tu réapparais, et tu te comportes comme un… comme un…— Comme un quoi ?Il semblait presque me mettre au défi d’oser prononcer le mot.« Non ! me hurlait la voix de ma mère dans ma tête.Non, ne fais pas ça.»— Comme un imbécile.Le mot n’était pas sorti de ma bouche que je le savais déjà : franchement pas malin – ni très délicat de ma part – de dire ça.D’autant que l’idée, c’était quand même de faire amende honorable, au départ.Parce qu’il allait bien falloir qu’on vive sur cette île, tous les deux, mine de rien.Et qu’il m’avait vraiment sauvé la vie, après tout – enfin, avec M.Mueller, du moins.Bon.Peut-être pas la vie.Mais il m’avait tout de même sauvée.Pourtant, en m’excusant, je n’avais fait qu’aggraver les choses.Et, comme si ça ne suffisait pas, après lui avoir balancé ça en pleine figure, il a encore fallu que je pose la main sur cette cicatrice que j’avais vue à l’intérieur de son bras.C’était plus fort que moi.Je n’ai jamais pu rester sans rien faire devant des créatures blessées.Alors voilà.Je l’ai touché : mon ultime erreur de la soirée.Il a fait la grimace – très vilaine, la grimace –, me donnant au moins raison sur un point : il ne serait jamais le Prince Charmant de personne.— Eh bien, tu n’as plus à t’en faire pour ça, a-t-il riposté, s’arrachant brusquement à mon emprise, comme si mon simple contact risquait de l’empoisonner.Parce que, à partir de cette nuit, tu ne me verras plus.J’ai réalisé plusieurs trucs, à ce moment-là.Premièrement, que son regard n’avait plus rien d’éteint.Il était aussi brûlant que des lignes à haute tension – et tout aussi dangereux.Deuxièmement, et j’ai mis plus longtemps à m’en rendre compte, mais, en regardant ses doigts refermés sur mon bras, des doigts sur lesquels des mèches de cheveux noirs, échappées de ma pince, dégringolaient, je me suis dit que ses mains n’avaient rien à voir avec celles, douces et lisses, des gens de notre âge – la plupart n’ayant rien connu de plus harassant, comme boulot, que de taper des textos ou d’actionner une manette de jeu vidéo.Les mains de John étaient celles de quelqu’un qui avait travaillé – un vrai travail, un travail dur, pénible.Des mains de battant.Mais pas seulement.Ses mains… ces mains qui m’empoignaient…Ces mains-là avaient tué.Au fond de moi, je devais le savoir depuis le début.Je ne me l’étais jamais avoué avant, pourtant.Et maintenant, forcément, il était trop tard, beaucoup beaucoup trop tard…Chapitre 8C’était à la moitié du trajet de la vie ;Je me trouvais au fond d’un bois sans éclaircie,Comme le droit chemin était perdu pour moi.DANTE ALIGHIERI, L’Enfer, Chant IQuand je suis rentrée, maman s’est exclamée :— Ah ! te voilà, ma chérie ! Je suis contente que tu sois revenue avant la tempête.Il va tomber des cordes d’une minute à l’autre, on dirait.Tu t’es bien promenée ?— Oui.Je lui ai tourné le dos pour fermer la porte.J’ai mis le verrou et enclenché le système de blocage de la poignée [ Pobierz całość w formacie PDF ]