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.Il ne reçut qu'une réponse, bien dans la manière du duc de Savoie : vague, évasive et dilatoire.Le cardinal décida alors d'attaquer.Il entra à Suse sans coup férir, le duc de Savoie l'ayant quitté pour se retirer à Turin.Le cardinal poursuivit alors son chemin vers Turin, mais sans l'intention d'en faire le siège, et à quelques lieues de la ville, alors qu'il faisait halte dans un village nommé Rivoli, il apprit qu'un millier de soldats savoyards s'étaient réfugiés à Pinerolo (qu'on nomme en français, Dieu sait pourquoi, Pignerol), petite place, lui dit-on, fortifiée.Il envoya alors le maréchal de Créqui avec sept mille hommes pour reconnaître ladite place.Mais quand ils parvinrent sur les lieux, ils étaient vides.Les troupes savoyardes, craignant d'être accablées sous le nombre, s'étaient retirées sans tirer une mousquetade.Créqui, jetant alors sur la place fortifiée de Pignerol le regard du soldat, fut enchanté de sa prise et dépêcha aussitôt une lettre par un chevaucheur au cardinal, lequel fut tellement alléché par la description que lui faisait Créqui qu'il accourut à brides avalées.Et dès lors qu'il survint sur les lieux, il fut lui aussi au comble de l'enthousiasme et écrivit sur l'heure au roi que la prise de Pignerol - obtenue sans combat -était une "grande victoire ".La place avait, en effet, une immense valeur stratégique.213- Monsieur, un mot de gr‚ce.- Belle lectrice, je vous ois.- Il me semble que vous tombez ici dans un travers qui me taquine fort chez les historiens.Ils vous disent d'un ton docte qu'une place a une immense valeur stratégique, mais ils ne vous expliquent jamais pourquoi.C'est à se demander si eux-mêmes le savent!- Belle lectrice ! Vous les calomniez! Bien entendu, ils le savent, mais peut-être la valeur stratégique d'une place leur paraît-elle trop évidente pour exiger une explication- Et à vous, Monsieur, celle de Pignerol vous paraît évidente ?- Assurément ! Et désirant, m'amie, conserver vos bonnes gr‚ces, je vais t‚cher, sans être trop docte, de vous l'expliquer.Mais permettez-moi, de prime, un petit retour en arrière.Jusqu'ici la place que nous considérions comme étant pour le roi de France la clef de l'Italie, c'était Casal, cette ville que Toiras tenacement défend depuis plusieurs mois contre une puissante armée espagnole commandée par Spinola.Or, à bien examiner, Casal, bien que ville beaucoup plus grande que Pignerol, est loin, bien loin d'avoir la même valeur stratégique !- Et comment cela ?- Casal est d'abord beaucoup trop éloignée de la frontière française : de Briançon pour porter secours à Casal il faut parcourir quarante-cinq lieues.Mais de Briançon pour atteindre Pignerol on n'a que quinze lieues à franchir.- Si je vous entends bien avec Pignerol, Monsieur, la clef de l'Italie se rapproche considérablement de la Porte de France.- Ce mot, Madame, est tout à fait galant et, qui plus est, il ne laisse pas d'être vrai.Observez, en effet, m'amie, que les quinze petites lieues qui séparent Briançon de Pignerol rendent infiniment plus faciles les communications, les envitaillements et, si besoin est, les renforts, alors que Casal est périlleusement éloignée de la France et située en outre de la façon la plus périlleuse entre deux villes hostiles : Turin, qui 214appartient au duc de Savoie, meshui ouvertement notre ennemi, et Milan que l'Espagnol occupe.- Cependant, Casal, avez-vous dit, est beaucoup plus grand que Pignerol.- M'amie, la valeur stratégique d'une place ne se mesure pas à sa taille, mais à la difficulté pour un ennemi de s'en emparer.Or, Pignerol est, de prime, un excellent site.Il est huché sur le haut d'une colline et comporte en son centre un donjon remarquablement haut qui donne des vues lointaines sur les alentours et permet ainsi de surprendre toute approche ennemie.Ce donjon est entouré par un ch‚teau lui-même défendu par des tours percées de meurtrières.Le roi et le cardinal ajoutèrent fort au site pour le rendre inexpugnable.Ils entourèrent le ch‚teau primitif non pas d'une, mais de deux murailles successives, lesquelles n'étaient pas rondes, mais rectangulaires, et comportaient l'une et l'autre des créneaux et des échauguettes.Au surplus, ces murs étaient construits, non pas droits, mais obliques, tant est que le bas étant plus en retrait que le haut, il était quasiment impossible de placer une échelle d'escalade contre eux : elle n'e˚t pas trouvé assez de pied pour tenir."Un ch‚teau d'entrée défendait l'accès des deux enceintes successives et on y entrait par un pont, lequel pont était porté sur des colonnes et défendu par des tours carrées.- Et par qui, Monsieur, furent construites ces astucieuses fortifications ?Par l'architecte de la digue de La Rochelle ? Par Métezeau ?- Madame, ai-je bien ouÔ !Vous vous ramentez de Métezeau à qui pourtant je n'ai consacré que deux ou trois pages dans le onzième tome de mes Mémoires!Votre mémoire, Madame, me laisse béant.- Monsieur, de ce que j'ai le cheveu long, il ne faudrait pas conclure que j'ai la mémoire courte
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