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.Lily le regarda, intriguée.Y avait-il un élément qu’elle avait oublié ?— Je t’écoute ?— C’est évident, pourtant.Nous avons toute la journée rien que pour nous.Et la nuit aussi.28Paris, jardins du Palais-Royal – 25 novembre, 14 heuresLe lendemain était l’une de ces journées d’hiver radieuses dont Paris a le secret.Un ciel pur et limpide s’étirait au-dessus de la capitale, offrant au soleil un immense boulevard bleu.Lucas observa avec étonnement les flots de touristes qui se déversaient dans les allées du Palais-Royal.À croire qu’ils s’étaient tous donné rendez-vous ici !De plus, l’entrée principale des jardins était une indication des plus floues.On devait traverser une large cour plantée de colonnes tronquées ornées de rayures, supposées représenter quelque grande idée artistique qui lui échappait.Ces colonnes détonnaient au milieu de l’architecture classique de la place, mais Lucas les trouvait amusantes et modernes.Pour couronner le tout, d’innombrables badauds avaient eu la bonne idée de porter une écharpe rouge ce jour-là , ce qui compliquait considérablement la tâche.Lucas regarda autour de lui, perplexe.Comment allaient-ils identifier leur inconnu ? Celui-ci avait été fort mal inspiré en leur proposant un tel rendez-vous !D’une certaine façon, pourtant, ce manque de professionnalisme était rassurant.Selon toute probabilité, ils avaient affaire à un amateur.Un employé du laboratoire Nervi qui souhaitait dénoncer les recherches en cours, peut-être…Dans sa main, les doigts de Lily étaient glacés.Il raffermit sa prise pour l’attirer plus près de lui.Sa présence le galvanisait, et éveillait en lui un instinct protecteur qu’il ne s’était jamais connu.Pour un homme qui avait toujours détesté les complications, il était servi.La situation dans laquelle il s’était placé était tout simplement intenable ! Son histoire avec Lily était-elle une aventure sans lendemain ou un sérieux coup de foudre ? Pouvait-il encore considérer la jeune femme comme la proie qu’il était supposé traquer ? D’ailleurs, pour le compte de qui travaillait-il, exactement ? Frank Vinay, à peine sorti du coma ce matin même, mais incapable de parler ? La CIA, organisme tentaculaire et opaque où il ne connaissait personne ?Depuis qu’il avait atterri à Paris, rien ne s’était déroulé comme prévu et la situation lui échappait à mesure que le temps passait.Il fallait parler à Lily, lui dire la vérité.Il était encore temps d’éviter la catastrophe.Après tout, il n’était pas obligé d’obéir aux ordres de Vinay !Oui, il aurait fallu tout avouer à Lily… mais il ne pouvait s’y résoudre.Il commençait à la connaître assez pour deviner sa réaction : au mieux, elle disparaîtrait de sa vie pour toujours ; au pire, elle tenterait de le tuer.Il y avait en elle l’énergie d’une biche traquée.Si seulement elle n’avait pas été trahie dans le passé par un amant !Elle était toujours sur le qui-vive, prête à dégainer son arme.Sans l’incroyable coïncidence qui les avait réunis au square de la rue Corvisart et lui avait donné l’occasion de forcer sa confiance, jamais il ne l’aurait approchée.Tout au fond d’elle-même, elle dépérissait par manque de contacts et de chaleur humaine.Quant à lui, il n’avait qu’une envie : être celui qui lui apporterait l’amour dont elle avait tant besoin.En quelques jours, elle s’était épanouie comme une fleur longtemps privée d’eau.Lucas en avait le cœur serré.Elle revenait de si loin, elle avait traversé tant d’horreurs ! Pourtant, malgré toute sa bonne volonté – et ses talents au lit, quoi qu’en dise la belle de son ton persifleur –, deux nuits d’amour ne pouvaient combler des années de solitude.Il lui faudrait du temps, beaucoup de temps pour l’aider à devenir la femme radieuse qu’elle aurait toujours dû être.Les circonstances lui donneraient-elles le délai nécessaire ? Et si oui, Lily voudrait-elle de lui, une fois que tout ceci serait terminé ?Il ne supportait pas l’idée de la perdre.Ces deux jours avec elle au Bristol avaient été les plus heureux de sa vie.Rien de moins ! Il avait découvert une femme sensuelle, courageuse, pleine d’humour… celle qu’il attendait depuis toujours sans le savoir.— Nom de nom… murmura-t-il, éberlué par la découverte qu’il venait de faire.Lily se tourna vers lui d’un air inquiet.— Qu’est-ce qui se passe ?— Il se passe que… je t’aime.Au prix d’un effort surhumain, il retint le flot de paroles qui lui brûlait les lèvres.Quelle que soit son envie de tout clarifier entre eux, il était trop tôt pour lui avouer la vérité.Lily ne parut pas comprendre.Il ne pouvait déchiffrer son regard, caché derrière ses lunettes roses, mais ses lèvres s’étaient arrondies en une expression de surprise.Sans doute ne s’attendait-elle pas à cette réponse, surtout en de telles circonstances !— Tu dis ? demanda-t-elle.— Je dis que…Il fut interrompu par la sonnerie du portable de Lily.— Fichu téléphone ! grommela-t-il en la voyant détourner la tête pour prendre l’appareil dans la poche de sa veste.Frustré d’avoir été interrompu dans un moment si délicat, il s’empara du portable et consulta l’écran.Mais… il connaissait ce numéro ! Il l’avait composé quelques jours auparavant ! Bon sang, qu’est-ce que cela signifiait ?— J’écoute ? tonna-t-il en prenant la communication.— Oh… J’ai dû me tromper de numéro, dit une voix hésitante, teintée d’un fort accent français.— Je ne crois pas, répliqua Lucas.Il réfléchit à toute vitesse.Si l’homme à qui il parlait était bien celui à qui il pensait…— Vous appelez pour le rendez-vous ? reprit-il.L’autre avait dû reconnaître sa voix car il marqua une longue hésitation.— Oui, admit-il enfin.— Je suis l’ami dont on vous a parlé.Pourvu que le Français ne le trahisse pas ! Il savait que Lucas travaillait pour la CIA.S’il vendait la mèche à Lily, tout était terminé…— Je ne comprends pas.Rien d’étonnant à cela.L’homme d’Interpol le savait à Paris, mais pour capturer Lily.Pas pour collaborer avec elle.— Il n’y a rien à comprendre, grommela-t-il, frustré de ne pouvoir être plus explicite.Dites-moi seulement si le rendez-vous tient toujours.— Oui.Je vous attends tous les deux devant le grand bassin central.— On arrive.Lucas coupa la communication et tendit l’appareil à Lily.— Pourquoi as-tu fait cela ?— Pour m’assurer que notre ami a bien compris que tu n’es pas seule, maugréa-t-il, incapable de trouver mieux.Il nous attend plus loin, près du bassin.Prenant la jeune femme par le bras, il voulut l’entraîner vers l’intérieur du jardin, mais elle se libéra d’un geste brusque.— Un instant, dit-elle.— Pardon ?Lucas se tourna vers elle avec impatience.Voulait-elle reprendre leur discussion là où elle avait été interrompue ? Même s’il en brûlait d’envie, ce n’était pas le moment !— Je préfère qu’on en reste au plan initial, expliqua-t-elle.J’y vais, et tu me surveilles.Même si ce n’est pas Rodrigo, je ne veux pas prendre de risque.Lucas réprima un mouvement de colère.Laisser Lily seule ? Impossible.— Justement, moi non plus.Je veux voir ce type de près pour comprendre à qui nous avons affaire.Rappelle-toi qu’on travaille ensemble, désormais.Elle eut une petite moue de dépit.— Comme tu voudras.Allons-y.Au fait… dit-elle en lui jetant un coup d’œil par-dessus ses lunettes.Pour ton information, j’ai très bien entendu ce que tu as dit, tout à l’heure.— Et ?— Et ça me plaît bien
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