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.Vous nous avez entendus parler de la Troisième Orëska.Il me vient à l’esprit maintenant que vous en faites autant partie que les magiciens eux-mêmes.Pour l’heure, c’est avec de la glaise et des rondins que nous édifierons nos abris d’exilés, mais je vous en fais la promesse, sous réserve que nous demeurions fidèles à Illior et ne manquions pas à la tâche qui nous est assignée, nous aurons un jour un palais à nous, aussi imposant qu’aucun de ceux que possède Ero.»Kaulin donna un léger coup de pouce à Malkanus.« Tu entends ça ? Courage, mon gars.Tu vas reprendre ta vie douillette avant de connaître ce bonheur-là ! » À demi assoupi dans les bras d’Ethni, Totmus fut pris d’un accès de toux pitoyable.7Tobin fit au triple galop le dernier mille qui le séparait du fort, tant le transportait la joie de revenir enfin chez lui.En émergeant des bois au bas de la prairie, il freina pile et promena des yeux ahuris sur l’aspect des lieux.« Diable ! s’écria Ki en se portant à sa hauteur avec les autres.Semblerait que Sa Majesté nous ait fait devancer par la moitié d’Ero ! »De l’autre côté de la rivière, les prés jaunis s’étaient transformés en un village de tentes et de baraques de fortune.Alors que Tobin aurait tout désiré sauf faire de l’esbroufe, ce qu’il découvrait avait l’air d’une foire de campagne.À mieux scruter les enseignes de camelots qui flottaient en haut de leurs hampes, il s’aperçut qu’il y avait là de tout, depuis des boulangers jusqu’à des faiseurs de vervelles.Les baladins fourmillaient, naturellement, et le théâtre du Pied d’Or avait même délégué sa troupe.« Nous sommes à cent lieues de la capitale, ici, s’esclaffa Erius qui avait surpris leur échange.J’ai tenu à m’assurer que vous n’y manquiez pas de divertissements congrus, durant votre séjour.— Soyez-en remercié, Oncle », répondit Tobin.Il avait déjà compté cinq oriflammes de ménestrels et six de pâtissiers.Il se demanda comment réagirait Cuistote s’il leur prenait fantaisie d’envahir ses cuisines.Mais elle avait fait la guerre, après tout, et l’on ne mettrait pas si facilement les pieds dans ses petits plats.« Regarde-moi ça ! » s’exclama Ki, le doigt tendu vers le sommet de la colline.Nari avait eu beau leur annoncer la nouvelle de l’incendie, la vue des fenêtres noircies de ce qui avait été les appartements d’Arkoniel n’en fut pas moins un choc pour eux.Que diantre était-il en train de fabriquer pour avoir provoqué un pareil sinistre ? s’interrogea Tobin, heureusement trop avisé pour ne point taire sa réflexion.La présence du magicien devait encore demeurer secrète ; sans doute était-il d’ailleurs parti se tapir chez Lhel.Cuistote et Nari sortirent les accueillir et accablèrent Korin sous des tonnes de cérémonies pour lui souhaiter la bienvenue dans le manoir.« Et vous vous êtes vus, vous deux ? s’écria la nourrice en se juchant sur la pointe des pieds pour embrasser Tobin et Ki.Ce que vous avez pu pousser, depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ! »Le jeune prince fut suffoqué, lui, de la voir si petite.Enfant, il se l’était toujours figurée si grande.Plus tard, comme il faisait visiter la place aux Compagnons, d’autres changements le frappèrent, mais il fallait avoir déjà vécu là pour les remarquer.Par exemple, au pied des baraquements, l’agrandissement du jardin de simples, et le fait que la superficie bêchée du potager des cuisines avait entre-temps pour le moins triplé.La domesticité était en revanche demeurée tout aussi réduite, hormis qu’elle comprenait un nouveau garçon d’écurie louchon.Il trouva aussi la maison proprement dite plus rutilante, plus douillette que dans ses souvenirs, mais c’était l’œuvre de Nari, ça.Elle avait meublé chaque pièce, sorti son linge le plus fin, la vaisselle plate, les tapisseries.En plein jour, le second étage lui-même était avenant, les chambres ouvrant sur la gauche du corridor alignaient les lits de camp destinés à la petite armée de serviteurs qui avaient suivi le cortège royal.On avait soigneusement muré les accès à l’ancien domaine d’Arkoniel, en face, pour le condamner jusqu’à ce qu’il soit possible d’en effectuer la réparation.Pendant que les autres s’apprêtaient pour le dîner, ce soir-là, lui s’esquiva pour remonter et se diriger pas à pas vers l’autre bout du corridor.La porte de la tour était verrouillée, sa poignée de cuivre ternie par défaut d’entretien.Il fit ferrailler le loquet, tout en se demandant si Nari avait toujours la clef.Se tenir là lui remémora la folle terreur qu’en ce même endroit lui inspirait autrefois la seule idée que le fantôme ulcéré de Mère le fixait au travers du vantail de bois.C’était simplement une porte, à présent.Il se sentit brusquement submergé par une vague de nostalgie.Il appuya son front contre le panneau lisse et chuchota : « Vous êtes là, Mère !— Tobin ? »Il bondit, mais c’était Ki, tout bonnement, qui l’appelait du haut de l’escalier.« Ah, te voilà.Cuistote veut que tu goûtes la soupe, et tu es ici, pas même habillé encore.Qu’est-ce qui ne va pas, dis !— Rien.J’étais juste venu faire un tour.»Ki ne fut pas dupe, évidemment.Il se rapprocha et, d’une main précautionneuse, effleura le bois.« J’avais oublié.Est-ce qu’elle y est !— Je ne pense pas.»Ki s’adossa au mur près de lui.« Elle te manque ? » Tobin haussa les épaules.« Je croyais que non, mais je viens à l’instant de me rappeler comment elle était dans ses bons jours, avant de.Bref, avant le dernier jour, quoi.Presque comme une véritable mère.» Il retira sa bague pour lui faire mieux voir le profil serein gravé sur le chaton.« C’est ainsi qu’elle était, avant ma naissance et celle de Frère.»Pour tout commentaire, Ki poussa son épaule contre la sienne.Tobin soupira.« J’ai beaucoup réfléchi.Je vais laisser la poupée là-haut.— Mais elle t’a bien dit de la garder, non !— Je n’en ai plus besoin.Il sait me retrouver, de toute manière, qu’elle soit avec moi ou non.J’en ai assez, Ki.Assez de la cacher, assez de le cacher.» Et de me cacher, moi aussi, songea-t-il, mais il réussit à ravaler ces mots.Tout en promenant son regard à l’entour, il émit un rire d’une gaieté douteuse.« ça fait un sacré bout de temps que nous n’étions pas venus ici, n’est-ce pas ? Les lieux ne coïncident plus avec mes premiers souvenirs.Ils me semblaient si vastes et si sombres, à l’époque, et même après que tu fus venu y vivre.— C’est que nous avons grandi.» Avec un large sourire, il le prit en remorque, bon gré mal gré.« Viens çà, je vais t’en fournir la preuve.»Nari s’était appliquée à ne rien déplacer dans leur ancienne chambre à coucher depuis qu’ils l’avaient quittée, pas plus que dans la pièce contiguë où, comme figés à leur poste immuable, la cité joujou et une poignée de sculptures enfantines accumulaient la poussière [ Pobierz całość w formacie PDF ]