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.C’est vrai, si Araquistain n’avait pas été basque, il aurait pu être argentin, pas le genre d’Argentin qui vend les Malouines en parcelles au premier venu, mais un Argentin déprimé, du genre de ceux qui ne se supportent pas.N’est-il pas vrai ?Il se moquait de ses propres talents d’analyse psychologique et de son sens de l’humour.Inma tordait le nez et la patronne s’approchait, engoncée dans une jupe fourreau en tissu brillant, trop longue, ou alors c’étaient les jambes qui étaient trop courtes ; en revanche, à contre-jour sa locataire paraissait avoir une tête énorme et une chevelure prolifique.— Tu vas me payer la note de l’autre jour.Qui n’est pas la note de l’autre jour, mais la note de plusieurs autres jours.Santidrián avait l’air tellement surpris d’être l’objet de cette attaque manifeste qu’il regarda autour de lui, pensant que ce discours s’adressait peut-être à un autre.— Tu me parles ?— Qu’est-ce que tu crois ? Ici, on fait crédit, mais il y a des limites.Léo m’a dit qu’il t’en a touché un mot l’autre jour, et que tu lui as répondu : « Amène cette facture ! » et pendant qu’il allait la chercher, tu en as profité pour te tirer.— Mais quelle idée, de me raconter ça maintenant ? Je suis en train de parler affaire, projets, avec ce monsieur, et tu arrives avec ta misérable facture de quelques milliers de pesetas.— Exactement quarante-quatre mille.Santidrián se hérissa et se redressa comme un animal qui se sent menacé.— À Madrid, on ne montre pas les gens du doigt pour quarante mille misérables pesetas !— Tu paies ou tu dégages.Inma s’était levée et ouvrait la marche.— Tu peux même te suicider, mon pote, mais tu ne m’auras plus.Carvalho lui emboîta le pas et laissa Santidrián dans son duo d’opéra avec la psychiatre sans clients, un de ces duos d’opéra où le ténor et la soprano chantent chacun une partition différente.Pendant qu’ils battaient en retraite, Carvalho contemplait le cul d’Inma, comme s’il venait de le découvrir, et il eut envie de regarder son visage à la lumière de l’enseigne de l’entrée.Pas mal.Un peu blasé et tristounet, les yeux trop petits et tombants, la bouche trop grande et sans illusions, mais il aurait pu être très joli si elle avait fermé les yeux.En outre, la fille avait une taille et des hanches bien roulées, c’était une femme et deux heures du matin venaient de sonner.Il se demandait déjà s’il allait lui dire « Tu connais un endroit agréable où finir une nuit désagréable ? » ou bien « Détalons, sinon l’emmerdeur va nous remettre le grappin dessus », quand l’emmerdeur sortit précipitamment du local en brandissant son dossier.Il se calma en les voyant.— Je pensais que vous étiez partis sans le dossier.Ne vous inquiétez pas.Tout est arrangé.La psychiatre était mal lunée ce soir.Elle n’a pas eu une vie facile.Les Argentins ne veulent pas des psychiatres pour se remettre d’aplomb, et les Espagnols ne veulent pas se remettre d’aplomb.Cette fille aurait dû s’exiler en Suède.J’ai une magnifique solution de rechange.Inma, tu connais Rendez-Vous Amie Nuit ?— Je ne vais pas me fourrer dans un autre merdier avec toi.— Là-bas, je n’ai pas de problèmes.— Je rentre.— Et un verre chez toi, qu’est-ce que tu en penses ? C’est une excellente idée, tu ne trouves pas ?Santidrián lança un clin d’œil à Carvalho pendant qu’Inma hélait un taxi.Elle monta dans l’auto et les deux hommes attendirent.La voiture ne démarrait pas et elle ne donnait pas signe de vie.Elle passa enfin sa tête sans illusions par la fenêtre de la voiture et quelque chose qui ressemblait à un sourire de porte cochère transforma son visage de rapatriée blasée en visage épanoui de présidente d’un stand de la Croix-Rouge.— Qu’est-ce que vous attendez ? Vous me laisseriez rentrer seule ?À peine était-il monté dans le taxi que Santidrián passa le bras autour des épaules d’Inma et frotta sa joue contre le visage de la jeune fille.— Je me doutais bien que ma copine n’allait pas nous laisser sur le trottoir.— J’ai un whisky merdique et un caractère merdique.Elle avait changé d’humeur.Carvalho trouvait cette soirée pénible et il avait le pressentiment qu’une interminable séance de nuit à répétition l’attendait, animée par des noctambules sectaires et dogmatiques qui ne conçoivent pas qu’on puisse fuir la chaleur de leur compagnie.Il avait repris le dossier de Santidrián sous le bras et dans les pupilles de son regard intérieur rôdait le souvenir du corps d’Inma qu’il avait cru voir ou imaginer [ Pobierz całość w formacie PDF ]